Ses jeunes années:
Le cercle familial:
Jean Zay naît le 6 août 1904, à Orléans. Léon Zay, son père, juif laïc, dirige le quotidien radical socialiste local, "Le Progrès du Loiret". Sa mère, Alice Chartrain, beauceronne et protestante, est institutrice.
Alice Chartrain, mère de Jean Zay,
née le 3 juin 1873
ETAT CIVIL
Naissance de Zay, Jean Elie Paul n°743
L'an mil neuf centre quatre,
le six août à neuf heures vingt-cinq minutes du soir
est né à Orléans (Loiret), rue du Parc, n°19
un enfant de sexe masculin, qui a reçu
les prénoms de Jean Elie Paul
fils de Léon Zay, rédacteur au "Progrès du Loiret", Secrétaire Greffier du conseil des Prud'hommes et de Alice Lucie Chartrain, domiciliée à Orléans, rue Jean-Hupeau n°4
Les fous de république:
Sa famille paternelle, des Juifs lorrains, de ces fortes et anciennes communautés de l'Est, est enracinée dans la République. En effet, les Juifs de France assument dès l’origine le projet émancipateur de la Révolution. En 1871, Elias Zay, son grand-père, choisit la France et Orléans, quand la Moselle est perdue.
Les Chartrain, sa famille maternelle, parvenue tard à l'aisance, descendent d'une part d'agriculteurs beaucerons et protestants ; d'autre part des Maingourd, vignerons protestants de Mer et d'Aulnay.
Leurs ancêtres communs, héros du Désert, ont résisté à l'autorité royale au lendemain de la révocation de l'Edit de Nantes (1685). Les réformés, en s'insérant dans les luttes pour la liberté, affirment leur rôle d'avant-garde de la France républicaine.
En août 1908, à l'Ermitage, 29 rue du Parc, à Orléans.
Jean Zay avec sa soeur Jacqueline, dont il restera toute sa vie très liée. Elle deviendra sculpteur, et il inaugurera son exposition à New York en juin 1939.
Une famille heureuse:
La maison des grands-parents Chartrain, où il naquit, restera pour lui le lieu idéal du bonheur privé. Dans ce beau jardin, chacun occupe une place, comme au théâtre des familles. A gauche la mère de jean Zay, Alice avec sa fille Jacqueline, devant Paul Chartrain, son père. A droite Jean Zay, sur les genoux de son oncle Robert Chartrain. Au troisième plan, Hélène Zay et Marthe Chartrain, ses deux grands-mères.
Depuis 1906, Léon Zay, son père est rédacteur en chef du Progrès du Loiret, qui deviendra la France du Centre en 1927. Secrétaire du Conseil des prud'hommes, cet homme chaleureux, acteur infatigable de la vie politique locale, voue à son fils un amour magnifique.
Léon Zay en permission, avec Alice, Jean et Jacqueline ; après quatre années passées au front, il reviendra avec la Croix de Guerre.
Ses aptitudes littéraires:
Parcours au lycée Pothier:
Boursier, lycéen brillant, Jean Zay est primé en 1922 au Concours Général, en composition française. Il élargit ses amitiés au "Groupe des Jeunes", où il confronte sa culture classique à celle, plus moderne, de ses camarades de l'école primaire supérieure. Leurs joutes oratoires remplissent la salle Hardouineau.
En 1920 Jean Zay fonde l'hebdomadaire "Le potache bouillant"... Absorbé par la littérature, lecteur boulimique, il avoue sa très relative intimité avec les mathématiques et dédie des sonnets à des jeunes filles inconnues. Les lettres et la philosophie le passionnent, il s'essaye constamment à une critique synthétique qui cultive la brièveté.
La classe de seconde du Lycée Pothier, en 1920
Le groupe des jeunes:
En avril 1925, les jeunes font paraître avec René Berthelot le premier des dix-huit numéros du "Grenier", revue littéraire d'avant-garde... et de province "de toutes les tentatives et de toutes les audaces", illustrée par Jacqueline Zay. Jean Zay en est le chroniqueur ironique.
Des cendres du "Grenier" et de son amical rival "Les Cahiers Orléanais", naîtra "Le Mail", co-dirigé par Marcel Abraham, futur directeur de cabinet de Jean Zay, et Roger Secrétain... Pour dix-sept numéros.
Jean Zay dira de ses amis Leroy, Beaujard et Secrétain (futur maire d'Orléans) : des amis intelligents et drôles,"éphèbes attendris que l'acné ronge comme un remords" (J.Zay,n° 3, mai 1925).
Bon d'achat
le grenier
numéro 4
juin 1925
Chronique:
Le 8 mai, tous les ans, une inexorable fatalité précipite sur le pavé d'Orléans des généraux et des archevêques, des gymnastes et des conseillers municipaux pêle-mêle. Etroitement surveillés par une double rangée de soldats en armes, ces malheureux, auxquels tout espoir de fuite est interdit, traînent deux heures durant sur les pavés disjoints leurs uniformes de gala, leurs robes rehaussées d’hermine. Quel prestige résisterait à pareil épreuve ? La foule voit défiler ses maîtres, le crâne jaune de sueur, le col ramolli, les pieds lourds et meurtris : elle goûte des joies primitives, celles-là même du jeu de massacre où les époux trompés et les plaideurs déçus assouvissent d’anciennes rancunes sur la mariée et le juge en carton-pâte.
Par ces jours de cortège traditionnel, tandis qu’Orléans , machinalement pavoisé, regarde passé les députés mélancoliques et des prélats résignés, la calvitie d’un Premier Président ou la démarche en canard d’un général de brigade suffisent à ruiner pour jamais la Majesté de la Justice et celle de l’Armée. (…)
Au service militaire en 1926-27 ( 1er à gauche)
Extrait d'une lettre de Jean Zay adressé à sa mère pendant son service militaire :
Mourmelon, vendredi 8 août
11 au jus
Ma "petite maman chérie",
Nous avons té tellement "secoués" hier marches par tous les temps, prises d'armes, exercices de 12 heures consécutives, etc. - que je n'ai pas eu la force d'écrire... Mais j'ai reçu ta lettre pour le 6 août ; mon capitaine m'a souhaité ma fête en me faisant faire une quarantaine de kilomètres avec le sac complet. Enfin ! Il ne reste plus que douze jours...
Le matin, réveil à 5 heures. A 11 heures, je déjeune à la cantine (...)
Entrée dans la vie professionnelle:
Jean Zay journaliste et avocat:
Bachelier en 1923, Jean Zay devient aussitôt journaliste au "Progrès du Loiret", et clerc d'avoué pour financer ses études de droit.
Il est initié en 1926 à la loge Etienne Dolet, du Grand Orient, la loge de son père.
Etudiant en droit distrait, Jean Zay n'en devient pas moins un avocat à l'éloquence efficace. Inscrit au barreau d'Orléans en 1928, le jeune avocat s'illustre dans deux procès d'Assises difficiles et plaide au civil. Son cabinet est rapidement un des plus actifs de la ville.
II fait acquitter successivement aux Assises en mars 1931 Gruslin, et en juillet 1932 Driard, tous deux assassins de l'amant de leurs femmes. Il plaide de plus en plus comme avocat d'associations professionnelles et syndicales, et maintiendra cette activité d'avocat de la gauche, une fois élu député.
Le mariage
En mars 1931, il épouse au Temple, Madeleine Dreux, d'une famille protestante bien connue d'Orléans.
Jean et Madelaine se connaissent depuis toujours, par le temple. C'est une vie qui commence, sous les meilleurs auspices.
Pour le jeune couple, ce sont neuf ans de bonheur, avant que ne commencent de terribles épreuves. Madelaine sera toujours à ses côtés, une compagne admirable.
Le mariage
La famille Dreux devant l'entreprise familiale,
rue des carmes.